Colm TÓIBÍN, romancier lui-même et auteur cette rentrée de « Long Island », a choisi de rendre compte des différents aspects de la vie de Thomas Mann que ses proches nommaient « le magicien ». Cette biographie très complète (1875/1955) s’inscrit dans le contexte historique des deux guerres mondiales et de la montée du nazisme contrée par le rôle devenu prépondérant des Etats Unis. L’auteur choisit de regarder vivre son personnage de l’intérieur, ce qui nous permet d’accéder de très près à ses motivations. Nous le voyons naître dans une grande famille bourgeoise et protestante de Lubeck, épouser sa femme Katia d’origine juive très riche et mener une vie de famille confortable et traditionnelle où naîtront six enfants. Seule ombre au tableau, son attirance pour les jeunes hommes, qu’il sublime notamment dans « La mort à Venise » et qui le poursuit toute sa vie.
Néanmoins Thomas Mann a marqué son siècle par ses œuvres, largement inspirées de sa vie, mais aussi par ses prises de positions, même tardives, contre le nazisme. Il a reçu le Prix Nobel. Il a été contraint à l’exil. Mais au fur et à mesure que sa gloire s’affirme, il se retranche dans une vie solitaire, protégé par sa femme et sans avoir réellement pu tisser des liens avec ses enfants. Ceux-ci le lui reprocheront.
Toutes ces ambiguïtés ont nourri le débat entre nous. Nous retiendrons le portrait d’un écrivain complexe qui a vécu dans une période difficile et a joué de différents masques pour se faire entendre.
Cette biographie est extrêmement intéressante et malgré sa longueur, se lit très facilement.
« La barque de Masao » d’Antoine Choplin Editions Buchet-Chastel
Le dernier roman d’A.C. se déroule au Japon. Masao, ouvrier rectificateur de premier ordre, va retrouver sa fille, Harumi, qu’il n’a pas revue depuis quatorze ans. Elle est revenue à Teshima pour construire une « œuvre musée ». Elle est architecte depuis cinq ans, diplômée de l’Université de Kyoto.
Après son départ, Masao se souvient : il a été gardien de phare, au phare d’Ogijima. C’est à cette époque qu’il a commencé à lire de la poésie. Il se souvient…Comment elle est venue au phare puis repartie. Pourquoi Suzume et kasiu ont voulu l’élever…
Elle l’invite à visiter le musée Chichu. C’est une artiste. Ils ne sont plus du même monde, pense-t-il.
Pourtant elle veut savoir ... qui était Kasue sa mère, quelle est cette barque construite de ses mains, dont il lui a parlé.
Et lui veut être là, à l’inauguration de son œuvre, à elle.
Un très beau roman plein d’espoir sur l’art et la transmission. Un style poétique tout en retenue…
(Prix du livre inter 2021) Pour le jeune narrateur de 10 ans, une rencontre amicale entre deux enfants sur une plage et voilà que sa vie change : tout ce qu’il cherche en vain, l’autre le possède déjà. Alors reviennent par à-coups les images d’un passé difficile…
Une écriture sensible pour nous faire partager le monde de l’enfance.
Evocations de la fin d’un grand nombre de personnages célèbres de la Troisième République : Victor Hugo, Emile Zola, George Sand, mais aussi : Louise Michel, Jules Ferry, Louis Pasteur… qui résonnent comme l’Histoire de cette période.
A Murano, et 5 siècles durant, on suit une famille de verriers avec les mêmes personnages qui traversent le temps, ce Temps si particulier à Venise où se perpétuent et semblent rebondir les traditions …
A 86 ans, Simon, malade, décide d’entreprendre avec sa femme et en pick-up, un long voyage vers le camp de Mauthausen où il fut interné soixante cinq ans plus tôt. C’est alors l’occasion de partager souvenirs et confidences qui le hantent depuis si longtemps…
En Iran, à Chiraz, en 2022, Zahra jeune adolescente surnommée « Mauvais genre : Effrontée » par sa mère lorsqu’elle vient au monde, témoigne dans un long monologue intérieur de la difficulté - et c’est un euphémisme ! – d’être née fille dans cette société où seuls les garçons trouvent leur place. Ce qui lui fera dire « Je suis morte le jour où je suis née » …
Relation d’une belle amitié entre deux enfants : Steve, 9 ans, le narrateur, et « Le petit Poulin », 10 ans, dans le paysage hostile et dangereux d’une mine d’amiante à ciel ouvert au Québec. Jusqu’au jour où une tragédie les sépare… De son écriture délicate, poétique, agrémentée d’expressions québécoises savoureuses, l’auteur nous entraîne dans deux époques : l’avant/l’après le drame, ponctuées de fréquentes analepses sans que jamais le sens n'en pâtisse.
« Non roman d’amour mais roman sur l’amour », résume bien cet ouvrage où l’on découvre dans un texte envoutant, la passion silencieuse et durable – quarante ans !!- d’une femme concierge dans un établissement scolaire qui voit un jour arriver un séduisant professeur, et écrivain, qu’elle se met à aimer d’un amour absolu, fou, obsédant, secret, qu’il ne soupçonnera jamais, faisant sienne à jamais cette assertion : « l’amour est une dévotion qui n’a nulle exigence et n’attend rien ».
Les mésaventures de l’auteur, en quête d’éditeurs et de moyens de subsistance et ses nombreuses tribulations, littéraires : théâtre, roman policier, ou autres : jeu de cartes, pour sortir de sa « galère » …
Puis viennent quelques courts textes sur des situations improbables, propices à stimuler l’imagination d’un écrivain…